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  • Photo du rédacteurPhilippe Moreau

Trans-Australia 2018 J 24

Dernière mise à jour : 18 oct. 2018

Etape 24 – 34km avant Nullarbor Roadhouse – Au beau milieu de Nullarbor Plain // 90,30km - 15h45’

La journée d’hier nous aura vu traversé la réserve aborigène de Yalata. Comme l’expliquait Philippe dans sa vidéo, cette zone est soumise à quelques réglementations, dont une qui interdit d’y camper sans posséder une autorisation. Quitte donc à faire des kilomètres pour aller dormir, nous avons opté pour le Nullarbor Roadhouse. Ce matin nous retournons reprendre notre route au beau milieu de cette réserve, que nous allons traverser pendant encore une vingtaine de kilomètres. Différentes tribus aborigènes vivent en effet dans cette zone, mais loin de la route principale qui la traverse. Il est possible d’aller rendre visite à ces villages, vous y êtes les bienvenus à condition de respecter les règles mises en place. Comme par exemple celle de ne pas se rendre au milieu des habitations si l’on n’y est pas invité. Si vous êtes de passage la proposition ne se fera pas, mais si vous restez quelques temps alors les choses se feront naturellement.


Car les aborigènes ont une histoire commune avec l’homme blanc qui commence seulement à tendre vers des jours meilleurs. Pour mieux la comprendre, il faut déjà revenir aux fondamentaux. Retour 40 000 ans en arrière. Les aborigènes, même si le chemin emprunté faire encore débat, sont les premiers autochtones à arriver sur le continent australien. Attention, on parle quand même d’une époque où l’homo sapiens n’avait même pas encore mis un pied ni en Europe, ni en Amérique ! Autant vous dire que les aborigènes sont là depuis très longtemps, et que depuis leur arrivée ils ont évolué et développé une société en totale autarcie. Ainsi pour bien comprendre leur histoire et leurs rapports à leurs terres, il ne faut surtout pas essayer de calquer leur société sur la nôtre. Prenons par exemple ce qu’ils appellent le « Dreamtime » (« le temps du rêve »), qui est un concept difficilement accessible pour nous occidentaux, mais qui est pourtant essentiel dans la compréhension de leur culture. Le « Dreamtime » est un système de pensée assez complexe, qui se présente sous la forme d’un espace-temps parallèle à notre temporalité humaine et avec lequel la vie sur terre entretiendrait une relation de causalité. Vous me suivez ? Une espèce de monde parallèle où le passé, le présent et le futur ne font qu’un, et qui agirait directement sur le monde réel. Voilà la croyance première des aborigènes. Avouez que déjà, on part sur des bases très différentes de notre société… Ensuite vient l’appartenance à la terre. Chaque tribu puise directement ses traditions de la terre sur laquelle elle est établie. Ainsi un rocher, une colline ou bien un lac peuvent porter l’empreintes de leurs esprits créateurs, et des sentiers bien précis racontent l’histoire de ces esprits par le biais de peintures rupestres. Bien souvent chaque tribu possède sa propre langue et ses propres rites (en 1788 on estimait à 300 000 le nombre d’aborigènes en Australie, répartis entre 600 et 700 tribus différentes avec plus de 500 langues !). Mais malgré toutes ces différences, s’il y a bien une chose que les aborigènes ont en commun, c’est cette conception de la propriété totalement différente de la nôtre : ils appartiennent à un lieu, et non l’inverse. Être propriétaire d’un terrain est quelque chose d’inconcevable pour un aborigène. La seule chose qu’il possède est l’obligation morale de protéger ces lieux sacrés et d’honorer ces esprits qui les auraient créés.


Les colons britanniques arrivent alors en 1770 sous la houlette de James Cook. Les aborigènes consignent depuis toujours leurs croyances à travers la peinture, le chant et la danse, mais jamais par l’écrit. Par conséquent il n’y a rien dans leur société qui leur permettent de fournir de quelconques preuves de propriété. Les Anglais en profitent et déclarent l’Australie « terra nullius », c’est-à-dire sans propriétaire et en annexent les deux tiers vite fait bien fait. Well done les rosbeefs. Imaginez alors comment les aborigènes ont dû être complètement déboussolés lorsqu’ils ont été emmenés loin de leurs terres et parqué dans des réserves qui n’avaient plus rien à voir avec les emplacements si importants et si symboliques sur lesquelles étaient établies leurs tribus.


L’histoire des aborigènes ressemble à si méprendre à celle des indiens d’Amérique, ou des inuits d’Alaska. L’homme blanc arrive et détruit une société différente de la sienne en s’imposant par la force. Nous n’allons pas faire la liste, aussi longue que scandaleuse, de toute ce que les aborigènes ont dû endurer, mais pour en revenir à la communauté de Yalata, si les tribus qui y vivent ont été placés là, c’est parce que dans les années 50 des essais nucléaires ont été réalisés sur leurs terres sacrées, un peu plus au nord. D’ailleurs les radiations ont bien évidemment touché les communautés vivant en périphérie, qui elles n’avaient pas été déplacées, leur amenant des problèmes d’asthme, mais surtout différentes sortes de cancers, une maladie qui était jusqu’alors inconnue du peuple aborigène !


Maintenant nous allons revenir à quelque chose d’un peu plus joyeux, hein ? La Trans-Australia par exemple ? Philippe avance d’un pas lourd ce matin. 5,4km/h lors des premiers kilomètres, c’est une de ses cadences de départ les plus faibles réalisée jusqu’à présent. Bon d’accord c’est pas très joyeux non plus… Mais pas d’inquiétude on retente une deuxième fois la « journée micro-sieste », et on croise les doigts pour que cela porte ces fruits car notre coureur semble vraiment sur la réserve.


Au 24ème kilomètre l’équipe se scinde en deux et va à tour de rôle faire un petit détour pour admirer Head of Bight, l’un des deux endroits en Australie où les baleines australes se réunissent pendant durant l’hiver. L’endroit est superbe, avec sur la gauche d’immenses dunes de sable blanc, qui sont en fait les résidus des falaises érodés par l’océan et transportés par le vent jusqu’à s’accumuler encore et encore. Et sur sa droite, les falaises de Bunda justement, qui forment la plus longue ligne ininterrompue de falaises au monde (100 kilomètres de long !). Un paysage superbe donc, le tout soupçonné de chance puisque quatre baleines sont présentes, et naviguent tranquillement devant nous le long de la côte. Tout le monde en prend plein les mirettes.


Philippe arrive au Nullarbor Roadhouse, notre motel d’hier, au 34ème kilomètre. Ce dernier possède lui aussi son trou de golf, dont le thème porte cette fois-ci sur les dingos, ces chiens sauvages introduits en Australie il y a bien longtemps, qui maintenant peuplent tout le pays et vivent complètement à l’écart de la civilisation humaine. La journée des animaux continue avec un serpent indécis -notre premier !- qui s’élance en ondulant sur la route, puis finalement fait demi-tour dans les bosquets en nous voyant nous approcher avec les appareils photos…


Fin d’étape un peu abrupte, façon « falaises de Bunda ». Philippe décide de ne pas aller plus loin que 90 kilomètres aujourd’hui, et demande à ce qu’on fasse le point ce soir. Réunion au sommet donc, et dans le camping-car s’il vous plaît. Car ce soir c’est camping au milieu de la plaine de Nullarbor !




Total de la distance parcourue : 2259,3 kilomètres

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