Etape 16 – Port Augusta – Iron Knob // 101,1km – 15h51’
De retour sur les routes australiennes. Ce matin, et contrairement à hier, Philippe part en avance. 3h52’ et le voilà qui pénètre dans la ville de Port Augusta. Derrière lui, une énorme installation : ouverte depuis 2016, cette tour de 127 mètres accompagnée de ses 23 000 miroirs (que je pensais être des panneaux solaires au premier coup d’œil), est la propriété de Sundrop Farms, une entreprise qui œuvre dans la recherche de nouvelles technologies afin de créer des cultures moins dépendantes en ressources naturelles et moins couteuses en énergie.
Et le projet est fascinant : pour leur première implantation d’usine, ces chercheurs ont choisi Port Augusta. Problème, comment faire pousser des tomates sans eau douce, dans une région aride et sans rejeter de polluants ? Attention, pas le droit de tricher en allant récupérer l’énergie sur le réseau électrique du coin, ni même en creusant à la recherche d’énergies fossiles. L’océan n’étant qu’à quelques kilomètres, l’eau salée est apparue comme la solution la plus accessible. Reste que la désalinisation est un procédé encore très couteux et extrêmement énergivore de nos jours. Et c’est là que se joue la différence entre des miroirs et des panneaux solaires. On appelle ça la technique du « four solaire », et elle consiste, non pas à capter les rayons du soleil, mais à les renvoyer directement sur une cabine située en haut de la tour, et plus précisément sur une huile, dont la chaleur qu’elle va dégager va servir à activer une turbine qui produira en fin de compte de l’électricité. CQFD. Et cela produit bien plus d’énergie que la solution des panneaux solaires classiques.
Ainsi, en récoltant l’énergie solaire, l’entreprise est capable gérer le chauffage et l’électricité des serres, ainsi que la désalinisation de l’eau afin d’irriguer les tomates. L’entreprise produit 450 000 m3 d’eau douce par an. Sans cette installation, il faudrait 2 millions de litres de pétrole pour arriver au même résultat. Et cerise sur le gâteau, le sel retiré de l’eau est transformé en engrais. Ainsi la logique écologique est poussée au maximum et rien n’est rejeté dans l’océan, comme c’est bien souvent le cas, ce qui peut entrainer des problèmes de forte concentration saline et nuire à la faune et la flore. Bref, gros big up à Sundrop Farms qui est donc en mesure de produire un nombre important de tomates, de façon écologique et économique.
Bref, passé cette introduction très « go green », nous partons reprendre des nouvelles de Philippe. Après une sortie de Port Augusta sans encombre, celui-ci s’est engagé sur une route secondaire découverte hier soir lors du repérage de l’étape par ordinateur. 900 mètres de gagnés par rapport au parcours de base -c’est toujours ça de pris-, et surtout 20 kilomètres de tranquillité à l’abri des camions et autres mastodontes de la route. Le coureur apprécie. Surtout que ce matin, il a le vent dans le dos. Et rien de mieux pour un coureur que de se sentir pousser des ailes grâce au vent.
Milieu de matinée, nous bifurquons sur la Eyre Highway, qui porte le nom du premier homme à avoir traversé la plaine de Nullarbor, l’explorateur Edward John Eyre. Cette route, nous ne la quitterons pas jusqu’à Norseman, c’est-à-dire pendant 1 641 kilomètres. Pas mal non ? Mais attendez, le mieux reste le « parcours » que m’indique le GPS pour aller jusqu’au bout :
Suivre l’Eyre Highway pendant 98 kilomètres.
Petit « droite-gauche » à l’intérieur de Kimba.
Suivre l’Eyre Highway pendant 213 kilomètres.
Tout droit au rond-point, puis à droite dans Ceduna.
Et enfin suivre l’Eyre Highway pendant 1330 kilomètres.
Vous êtes arrivés à Norseman.
Autant vous dire que nous n’avons pas le droit à l’erreur niveau aiguillage du coureur. Et si quelqu’un se trompe de chemin, il risque de se faire chambrer jusqu’à la fin de ses jours…
Depuis l’embranchement sur l’Eyre Highway, notre coureur n’a de cesse de longer un immense terrain d’entraînement militaire. La clôture est parsemée d’un nombre interminable de panneaux qui interdisent de la franchir, sous peine de mettre le pied sur une bombe, ou de finir en mauvais terme avec des lasers. Ou quelque chose du genre. Nous n’avons pas trop compris. Parfois il y a un panneau jusqu’à tous les trois ou quatre mètres. Au cas où le message aurait du mal à passer…
Alors que nous venons de ravitailler Philippe sur une aire de repos, David est sur le point de décrocher un plan très convoité pour le film. Après celui du coureur et du kangourou sur la même image, l’idée est de filmer Philippe depuis l’intérieur d’un truck, l’un de ces énormes camions que l’on n’arrête pas de croiser. Le problème reste d’en croiser un à l’arrêt. Problème résolu puisqu’il y en a un qui décide de faire une pause juste à côté de notre véhicule. David s’en va demander à la conductrice si c’est possible de faire un kilomètre à l’intérieur, le temps de rattraper Philippe et de lui tirer le portrait, puis de descendre juste après. Malheureusement elle décline, après avoir quand même un peu hésité... Apparemment au niveau des assurances elle ne serait pas autorisée à faire monter quelqu’un d’autre dans le véhicule, et puis il y a son mari qui dort à l’arrière et elle préfèrerait rester à l’arrêt. Et nous ont aimerait mieux éviter que David finisse dans un quiproquo de première catégorie, avec le mari qui se réveille et aperçoit notre cameraman et sa femme dans la cabine à l’avant…
Philippe fait son habituelle sieste au 65ème kilomètre. Ses pieds sont brûlants. Et pour cause le thermomètre affiche 28°C, et surement bien plus encore sur le goudron. Cinq kilomètres plus loin et nous voilà à l’entrée de Iron Knob, qui en anglais signifie « bouton de fer ». Vous l’aurez bien compris il est encore ici question de mines, et l’appellation « bouton » fait référence à la forme de l’un des gisements, qui ressort nettement par rapport au reste du paysage, qui lui est relativement plat. 21% de l’acier nécessaire à la construction du pont Harbour Bridge dans la baie de Sydney, ont été extraits ici. Le reste ayant été importé d’Angleterre.
Philippe puise dans ses réserves sur les dernières heures de course. Son tendon lui fait mal et malheureusement il a épuisé ses trois munitions quotidiennes de doliprane. Allez, plus que quelques kilomètres et ce sera bon… Le soleil se couche et les mouches avec. Ouf. Après tout il faut bien qu’elle se reposent vu toute l’énergie qu’elles ont dépensé à nous harceler aujourd’hui… Philippe termine un peu avant 20h et renoue avec la barre des 101 kilomètres. Nous rejoignons alors David et Jean-Michel qui ont installé le campement, et préparé la tambouille ! Ce soir on campe, et demain aussi ! L’aventure !
Total de kilomètres parcourus : 1 538,7 kilomètres
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